jeudi 19 mai 2011

Les intentions...


Je viens de retomber sur la lettre d'intention pour présenter le projet: le texte, avant la phrase, et l'image, d'intention aussi, avant la friction, au réel...

Appel à projet. « Art & Psychatrie, 2011 »
« Ruban rouge » (titre provisoire)
c/o dimitri vazemsky

Ce projet s’inscrit dans ma pratique d’écriture sur paysage. J’ai déjà effectué de nombreuses installations de ce genre mais jamais une phrase aussi longue. Le rapport avec le site est important, il est hors de question pour moi d’écrire la phrase avant et de la plaquer sur le lieu.
Avant même d’écrire, il me faut sentir le lieu, rencontrer des personnes, discuter, trainer, faire que cette phrase naisse de là, qu’elle parle de ce lieu, qu’elle y trouve une résonance.
Un écho.
Et pour cela il me faudra pratiquer le lieu.

L’intention : la phrase comme un fil sinueux, un fil rouge, posé sur la grande pelouse, comme un ruban non tendu entre les deux clochers (en prenant en compte celui de la ville, vue du pavillon, visible à la fin de la phrase, lorsque l’on se retourne).
La phrase ne retrouve sa tension que quand elle est lue.
Le rythme de la lecture n’étant plus celui des yeux mais celui des pieds, la phrase appelle à la déambulation à ses cotés. Elle sera beaucoup plus sinueuse que sur le dessin préparatoire, difficilement lisible en un regard.

La phrase amène, de l’entrée, au pavillon central. Une ligne, un lien, de mots.

Nombres de lettres existent déjà mais pas suffisamment pour une phrase aussi longue. Un budget production (bois, peinture, déplacements) et un temps de travail (repérage, rencontre, recherche de phrase, découpe des lettres, peinture et installation) font très vite arriver le budget dans sa limite maximale."

mardi 17 mai 2011

The end is nigh...


La littérature c'est sans doute ça. Ouvrir un livre. Se retrouver dans l'intériorité de quelqu'un. Là où, certains matins, quand le vent froid souffle à vous glacer malgré le printemps déjà consommé, goûté, la peau hâlée en témoignant...

Se retrouver, page après page, au coeur de l'autre, effeuillé, boire ses mots, là où dehors ce n'est que silence. Où tout se tait.
Se retrouver proche, de ce murmure à l'oreille, tu, lu, que l'on rejoue avec sa propre voix, comme un jeu de poupées, intérieur, improvisé, sans l'objet figurant, plastique, humanoïde, dépassé... plus rien n'incarne vraiment.

La littérature c'est sans doute ça, une chaleur, une intimité que l'on s'injecte.
Se nourrir, à cet intime, liant, rattachant.
Un tour d'écrou. Donné. Serrant.
L'autre. Près de moi.
Dedans.

Je crois qu'il y'a de ça aussi dans cette littérature sans papier, dans ces grandes lettres rouges, sanglantes, cultivées, courant sur le silence d'une plaine verdoyante. Se dire. Entre nous. Sinuer. Arriver ensemble, au fil des mots, à un point donné.
A un lieu commun. De liens tissés. Tracer ensemble. Se jouer des correspondances évoquées.
De mondes échangés, à se lier...

Briser le silence.
A peine pourtant...

Sans crier. Ni parler. Ecrire. Silencieux, sauf le bruit de la masse enfonçant les fers à bêtons, comme une clôture sur la priaire, le bruit se buttant en écho, aux forêts voisines. "And all the hills echoed..."

Ne plus écrire caché, sous les couvertures, entre les pages.
Sortir du lit pour être lu, prendre le monde comme atelier, suivre les pentes, douces.
Et au milieu coule une rivière.
De mots.

dimanche 15 mai 2011

"Acta est fabula"


Dans le feu de l'action, (( does fire walk with me?)), peu de temps pour la représentation. Les images sont stockées. L'urgence n'est pas là, dans le tri...
L'urgence est dans la composition écrite sur les lignes du paysage, avant l'arrivée des regards lisant, jaugeant, jugeant.
Qui écrira dans la marge un "bien écrit" ?
Même si l'important n'est sans doute pas là...

Voilà quelques photos. Ecriture en image. Entamée...









Tout ça ne sont que des détails. L'oeuvre n'est pas appréhendable dans sa totalité.
Il faut être là, sur place.
Le reste n'est que fragments.
Synecdoques.


La phrase, à aucun endroit, n'est lisible dans son entier.
Il faut marcher. Se déplacer.
La lecture ne se fera que par le mouvement.

Par contre il y a un point, un seul, précis, marqué au sol.
Mon point de vue.

Scarabée d'or.

dimanche 8 mai 2011

Do electric sheeps dream?


Gros changement donc. On perd 7 millimètres en tranche. Perte en stabilité. Gain en légèreté. Et nouveauté: premiers essais de découpe numérique. Premiers clonages. Pour l'instant chaque lettre fut tracée à la main, et recopiée avec ses hésitations, obligées, la scie sauteuse tremblante, la circulaire dépendante du guide, l'apprentissage du geste, loin de la trace laissé par la matière d'un crayon sur la surface fragile du papier, là ça découpe, ça tranche dans la matière pour en extraire une forme, la possibilité d'un alphabet, arraché à la matière, l'apprentissage de ce geste, au mieux, jamais parfait, d'écriture à la circulaire, serre-joints, guide, tracer la lettre à l'envers pour éviter l'éclatement du bois à la découpe sur sa face visible, à la scie sauteuse, se placer dans la courbe, toujours, l'avant bras comme rayon, ne jamais changer de main pour ne pas altérer la courbe dans sa lancée.
Je voulais attendre la fin. Attendre d'avoir un alphabet complet, une typo achevée "niveau zéro de l'écriture", avant de lancer l'étape de la découpe numérique. Chaque lettre créée, pour l'instant, le fut en fonction d'un mot, sa place dans le mot, comment elle réagissait avec les autres, comment elle se formait avec des bouts d'autres, déjà tracées, une courbe de "o" pour le "g" la grosseur d'une jambe de "e" répercutée ailleurs, et des emprunts, voulus, connotés, le "u" de super U, le "a" de "adidas", comme pour réaffirmer le lien avec la publicité.

La lettre est vectorisée. C'est un immense changement. On copie l'écrit entamé, la lettre tracée est traduite en côtes, dit autrement cela donne ça, le dit du "e":
"J'ai recopié la photo quasiment à l'identique. Le haut de la lettre ainsi que le bas droit ne sont constitués que de droites et quarts de cercle avec des tangences parfaites. Le bas gauche, ce sont des splines faites "à la volée" (ça peut peut-être être peaufiné)."
Mon frère a traduit la lettre dans son langage. Poésie. Spleen. Fêtes à la volée. J'aime assez. La lettre devient une série de coordonnées, d'abscisses, un espace propre, un nouveau lieu, territoire, cartographié.

Mais les lettres, désormais, seront toutes identiques. Action contre répétition. Un cran. Clavier versus crayon. Casse contre écriture. "Le niveau zéro de l'écriture" sort des essais d'écriture pour devenir presque de l'impression sur paysage.
Mon implication propre quitte la lettre même, presque complètement. Chaque lettre va être photographiée et traduite en chiffres, côtes et tangentes. J'ai construit mes lettres, une à une, elles ont presque toutes une histoire, liée à chacune d'elle: là une étape est franchie, j'abandonne de plus en plus le mode de l'écriture, l'acte même d'écrire, pour passer à celui de l'imprimerie. Je délaisse la facture, une par une, de chaque lettre pour gagner du temps et travailler, sans doute, plus l'expression. L'installation. Dans le paysage.

Je décide de ne pas les peaufiner.
De ne pas retravailler la lettre.
Ici le "e".
Ces premiers "e" clonés seront à l'image du dernier fait, photographié.
Sans retouches. Aucunes. Ni repentir. Faciles à l'ordinateur.

Conserver ainsi dans la lettre, même froide, mon geste d'écriture premier, la typographie hésitante de mes mouvements, à la craie, sur le panneaux de contreplaqué, recul, observation retouche, effacement, affiner la courbe, une fois, deux fois, et revenir dessus, à l'éponge, reculer, observer, mon corps se déplaçait énormément, "ductus" augmenté, je créé la lettre avec mon corps entier, retoucher, revenir, sentir le moment où, voilà, la lettre se tient. Je peux couper. Trancher.
Tous ces mouvements,du corps, face à une lettre, je les ai aimés. Chorégraphie typographique.
N'ai pas autant de plaisir, la main simplement augmentée d'une souris. Le corps assis. Immobile.

Il y a, dans cette approche de la lettre, une notion forte de mouvement. Comme dans le reste du projet.

La primauté du geste. D'écrire. Difficilement. Laborieusement. A chaque pas, chaque lettre, être là pleinement. Dans la réalité. Du geste. De la lettre. Du monde. De cette traversée, laissant une trace, lettrée, sur le monde. Puis rien.
Juste une traversée. Porter les lettres, d'un lieu à un autre. Une à une. Ou un mot, à plusieurs. Traverser le monde, avec le langage. Retrouver un mouvement littéraire.

mercredi 4 mai 2011

Le monde comme atelier...


La prochaine occurrence du "niveau zéro de l'écriture" sera, à l'EPSM de Bailleul, en ce mois de mai dans les flandres.
Le lieu est repéré. La phrase tourne dans ma tête, le début est sûr... "Le monde comme atelier d'écriture...".
Le reste est fluctuant. C'est la seconde phrase réalisée, la première, en boucle, s'était logée dans le cloître de l'Hospice d'Havré de Tourcoing. Je persiste. Lentement. Dans l'acquisition du langage. Sur paysage.

Modification technique, je change l'épaisseur du cp-marine. Les lettres passent de 22 à 18 mm d'épaisseur. Tout le monde s'en fout, sauf les futurs porteurs de lettres, cagoulés, de diction directe. La première salve de lettres était trop lourde. On va essayer de trouver un compromis entre les installations qui nécessitent une certaine résistance aux éléments et la légèreté requise pour le port en commandos.

Plus d'information sur les autres artistes présents dans cette cinquième édition de "Art & Psychatrie", sur les dates des spectacles proposés, la conférence sur l'art brut et tutti quanti: ici.

La photo ci-dessus est le premier élément d'un archivage entamé et progressif des pièces matérielles existantes, annexes, réalisées spontanément dans l'avancée des projets. Une expo retraçant les premiers états du "niveau zéro de l'écriture" aura lieu au mois de juin à Aubenas, dans la médiathèque. le tout lié à une résidence dans le Parc Naturel de l'Ardèche à Montpezat sous Bauzon. Cette pièce-ci contient quelques diapositives prises par Fred Martin lors de la toute première 'installation: "exit", à zuydcotte, en juin 2004.

Mais tout cela ressemble à du passé. Tout ce qui déjà a eu lieu. Le futur lui serait ici. Le présent est en cours. A venir. Ici. A re-présenter.

Circonscrire. Ici. Comme pour s'en débarrasser. Et passer à autre chose...